vendredi 5 juillet 2013

Les réfugiés sanitaires à Savignac pendant la guerre de 39-45 (suite)

"Comme ma soeur Josette et mon frère Roger, j'ai fait le même voyage. Avec des souvenirs de séparation difficile. En arrivant à Savignac j'ai été choisie par Simone Eyma.Nous sommes parties à pied jusqu'à la boulangerie où mon étonnement a été très grand. En effet je n'avais jamais senti ni vu de pain frais et en sortant des restrictions que nous venions de connaître à Bègles tout me semblait magnifique. Quand Simone m'a demandé si j'avais faim ou soif j'ai aussitôt voulu du pain, puis je suis allée voir Monsieur Eyma au fournil. J'étais subjuguée par le pétrin qui brassait la pâte. Puis par la suite sa façon de travailler la pâte et d'enfourner le pain m'étonnait de même que sa dextérité pour sortir les miches une fois cuites. Après quelques jours, je le suivais en tournée dans "le gazogène ". Ensuite je suis partie à la ferme de Luguet chez la famille Lapoujade qui était les parents de Madame Eyma.

Dans la ferme il y avait un journalier du nom de Rigal ( Rigalou) qui était là en permanence. Je me souviens de sa démarche claudicante due à une blessure de guerre qui lui avait laissé une jambe raide. Quand il labourait la pièce de la Thérèse on l'entendait jurer jusqu'au bourg!

J'étais chargée d'aller lui porter le casse-croûte qui devait obligatoirement comporter un oignon et une salière. Je participais, dans la mesure de mes moyens aux travaux des champs, surtout à la récolte des prunes, leur installation sur les claies, puis poussais le chariot dans le séchoir. Une chose qui me fascinait était la confection des tourtières et surtout l'étirement de la pâte sur la table qui était recouverte d'un drap. Le résultat était surprenant et surtout délicieux. Ce qui était délicieux aussi était les pâtisseries que Vovo (Yvonne Eyma) confectionnait à l'occasion des fêtes et mariages. Surtout ses choux à la crème et ses massepains, que Denis faisait cuire dans le four à pain. J'allais de temps en temps garder les vaches dans un pré au bord du Dounech ou je retrouvais ma soeur Josette qui gardait les vaches de Becade.Notre plus grande occupation était la pêche aux écrevisses, pendant que les vaches mangeaient le maïs de Baubie

J'ai passé une très bonne période, à un détail près qui m'a laissé un souvenir impérissable : en pleine nuit des coups très violents ont été frappés aux volets, le pépé et la mémé se sont levés en me demandant de ne pas bouger. Il s'agissait de maquisards qui venaient se ravitailler. Un Jambon, du confit des oeufs et de la farine changèrent de mains. A la fin de la guerre, je suivais Jeannot et Simone dans les fêtes votives des environs. C'était la belle vie! .

Plus tard Madame Eyma est venue vivre dans le bourg dans la maison voisine de Georges Laporte que j'aimais regarder travailler. Tout l'été je faisais le tour des fêtes des environs. Puis la fin de la guerre est arrivée et je suis rentrée chez mes parents. Revenant en vacances surtout à Poutot la ferme de Janot et Simone Raynal à Trentels

Tout ceci mêlant les souvenirs douloureux et heureux d'une période lointaine mais néanmoins gravés dans ma mémoire."
Quelques éléments pour comprendre : Zénobie et Damien Lapoujade habitaient à "Luguet" (Plaine de Bécade actuel). Leur fille Inès était mariée avec Edouard Eyma, boulanger à Savignac. Leur fils Denis, boulanger était marié avec Yvonne Gary. Leur fille Simone est mariée avec Jean Raynal et habitait à cette époque à Trentels.

La pièce de la Thérèse : Un propriétaire de Lauzel avait eu une fille naturelle, Thérèse et il lui a donné ce champ.