Le départ de Bégles à été une fête pour moi car j'allais prendre le train pour la première fois de ma courte vie. À 7 ans à cette époque et surtout dans un contexte de guerre on ne sortait pas de son quartier. Sur le chemin de la gare je me souviens de m'être retournée et à ma grande surprise j'ai vue ma mère pleurer mon père la tenant par les épaules et la consolant ce qui n'était pas le genre de la maison.
J'ai ensuite un grand vide (
est-ce l'âge actuel ou la fatigue d'alors) je ne refais surface que lorsque
nous nous sommes arrêtés à Monflanquin. Nous étions entre 10 et 15 enfants sur
le plateau d'une camionnette . De temps en temps la camionnette s'arrêtait et
2.ou 3 enfants en descendaient me laissant indifférente jusqu'à ce que Roger
soit saisi et se mette à hurler. Jeanine et moi avons hurlé aussi en disant que
c'était notre frère . Grand conciliabule des
"autorités" locales qui dans leur grande bonté décidèrent que le maire de Savignac ,qui était la
dernière commune desservie se débrouillerait avec le supplémentaire .Pour
Savignac restaient donc les trois Devignes les trois Lantié ....et je ne me souviens plus de la
surnuméraire !!!(Laurence Desvignes)
À cette époque il y avait de la vie dans le bourg. Autant que je me
souvienne ,mais c'est peut être amplifié par mon ressenti de petite fille, il y
avait du monde quand la camionnette s'est arrêtée devant chez Campagnac dans le
bourg. Une dame m'a prise par la main, une autre à pris la main de Roger et une
autre encore à pris Jeanine. Puis nous sommes tous descendus jusqu'à la
boulangerie Eyma ou régnait une merveilleuse odeur de pain frais et ou je
voyais pour la première fois des pains aussi gros ( des pains de 5 et des pains
de 10????!) j'ai pendant assez longtemps eu du mal à comprendre ces appellations.
Ensuite chacun est parti de son côté .Roger chez Tornier, Jeanine chez
Eyma et moi chez Eléonore .
Et là commence ma vie : jusqu'à
ce jour là nous vivotions avec toutes les restrictions que l'on rencontre en
temps de guerre, même si un gosse ne réalise pas vraiment il ressent. Je suis
arrivée dans une maison de femmes. Il y avait, la Mémée, Sylvanie, Eléonore, la
bonne qui s'appelait Esther et Moi. Car à partir de ce jour-là j'ai été la
reine. Le jour de mon arrivée je ne comprenais pas ce que ces femmes pouvaient
bien dire, elles parlaient patois. En ce temps là on ne connaissait pas la
langue d'Oc mais le patois oui. Ma plus grande surprise à été de voir des dames
habillées de noir avec des robes jusque en bas des pieds, des cheveux peignés en
chignons. Une maison immense dont la cuisine était presque aussi grande que
notre maison à Bégles. La grandeur de la cheminée me faisait un peu peur. Le
plus impressionnant était cette énorme table éclairée par une lampe à pétrole
suspendue au dessus. Pendant la préparation du repas qui se faisait au coin du
feu (à petit feu ) tout au long de la journée, la Mémée se tenait près de
l'âtre et entretenait le feu pour que ça mijote. Le soir on allumait la lampe
juste le temps du repas et ensuite toutes nous nous groupions dans la cheminée
et la les histoires commençaient. Heureusement que je ne comprenais pas du
moins les premiers temps car c'était des légendes qui avaient l'air vraies. Au
bout de très peu de temps je comprenais très bien le patois même si je ne le
parlais pas car à l'école c'était
interdit. Ah !l'école!!!!! et les
demoiselles Goulfié.
Je revois encore l'une de ces Demoiselles arrivant dans la classe
horrifiée parce que j'avais des poux.
Personne ne s'était aperçu de rien. On m'a renvoyée à Bécade avec ordre de ne
revenir que lorsque je serais débarrassée de ces habitants. Perplexité à Bécade
où on n'avait pas ce genre de problème habituellement À la guerre comme à la
guerre,j'ai eu la tête imbibée de pétrole pendant un jour et une nuit. Je peux
vous affirmer que c'est radical. Je n'ai plus jamais eu de poux et j'ai failli
ne plus avoir de cheveux non plus.